
Écoutez ce tintamarre !
Le doux son des marmites ; le cliquetis des couverts ; le vrombissement des batteurs ; le tic-tac des minuteurs : le battement des cœurs sous pression !
Vous êtes dans MA cuisine.
J’aime être dans ma cuisine.
Parfois, rester là, sans créer ; simplement à écouter les sons de ma cuisine : MA douce mélodie.
Puisque je vois que vous suivez d’une oreille curieuse : je vais vous raconter un petit secret ou deux. Prenons l’exemple, d’une recette simple.
Voyons voir… voilà! j’ai trouvé ! La charlotte à la russe ; ou plus communément, la charlotte aux fraises.
Imaginez la belle, admirez la forme de ses biscuits, caressez du regard ses fraises soupirantes, appréciez la fraîcheur de l’ensemble, sentez sa légèreté, humez son parfum… vous l’avez ? sentez-vous l’eau vous monter à la bouche ?
Alors, vous êtes prêt pour la suite !
Si ma chère Charlotte est un hommage au personnage d’origine : elle en garde la force ; et peut-être la saveur, qui sait ?
J’ai grandi avec Carême comme professeur de cœur, bien que bercé par d’autres, de fait, j’en garde la recette. Recette, qui pour moi, reste plus fraîche et plus savoureuse que celle d’origine. Certains vous diront y reconnaître une note de Bach ou de Mozart : moi j’y retrouve le génie de Carême !
De surcroît, on peut dire qu’elle a voyagé cette Charlotte : venue d’Allemagne, « dessertisée » en Angleterre, parachevée en France, pour finalement être offerte à une tsarine russe. C’est possiblement ici que repose tout son charme actuel. Quoi qu’il en soit, je sais pertinemment qu’en la confectionnant, je ravirai petits et grands, jeunes et plus âgés ; la cuisine n’est pas une question d’âge, ni de taille, ni d’origine, ni de quoi que ce soit d’autres : elle les transcende tous, car c’est une question de gourmandise !
Le voici mon premier secret ! Et ça ! croyez-moi : en tant que toqué, je n’en manque pas !!!
Cessons nos rêveries et créons !
Allumons le feu !
Équipons-nous de quelques culs-de-poule[1], sans mauvais jeux de mots entre nous 😉 : il va nous en falloir 2 petits pour la gelée, 1 moyen pour le bavarois, et 1 large pour refroidir la charlotte. Emportons aussi batteur, spatule, louche, et une marmite de taille moyenne que nous pendrons au-dessus du feu.
Approvisionnons-nous de 1kg de fraises des bois (je conseille en plusieurs petits paniers recouverts d’un tissu pour qu’elles ne s’échappent pas ; c’est qu’elles ont la balade facile !), 12 feuilles de gélatine (que j’accroche avec une pince à linge pour ne pas qu’elles aillent se dandiner autour de mon feu !), 1 grosse boîte de biscuits de Reims (bénis, ils seront meilleurs !), 180g de sucre cristal, 250g de crème (de chez la fée Fleurette !), 1 pointe de cornière de chantilly vanillée (bien serrée et en forme de petits nuages : c’est plus joli !), 1 citron bien gras, 3 petits verres d’eau-de-vie de poire, 500ml de sirop de sucre parfumé à la vanille (de préférence d’origine vaudou !), ainsi que d’un ruban rouge de 5cm de hauteur et 1m de longueur, tant qu’à faire !
Commençons par enfermer une trentaine de fraises (soit environ 300g ) de mes paniers parfumés dans une cage un peu plus solide avec un loquet en caramel, car d’expérience, je sais qu’elles vont chercher par tous les moyens à profiter du bain des copines ; quant aux 700g restants oust ! en purée ! dans la marmite avec 150g de sucre et le zeste du citron accompagné de son jus. Et voilà mon second petit secret : petit tour de louche magique saupoudré d’incantation du cuisinier « %¯cuis-cuis-cuis-mé-pa-tro-si-non-tu-sé-ras-ro-ti ! ¯ ». Regardez comme le chaudron soupire de bonheur ! Haha !
Lorsque toutes les fibres se sont toutes délitées pour nager en spirale dans la marmite : séparons environ 200g, que nous placerons dans l’un des deux petits culs-de-poule.
Maintenant, nous pouvons libérer les 7 premières feuilles de gélatine ; j’aime bien les faire marronner : alors je fais semblant de les lâcher, puis je les rattrape, et je recommence, une fois ou deux ; mais pas trop, car ça les énerve un peu tout de même. Ainsi, dès que je relâche suffisamment mon étreinte : elles plongent immédiatement dans le grand bain ! Je suis sympa alors je les laisse tourbillonner un peu, le temps qu’elles se détendent dans leur mini jacuzzi. Petit tour de louche magique saupoudré d’incantation du cuisinier « cuis-cuis-cuis-mé-pa-tro-si-non-tu-sé-ras-ro-ti ! ». Le chaudron soupire de bonheur !
Puis, quand Nos Demoiselles sont prêtes : sortons le second petit cul-de-poule, allongeons-y les sénioritas comme dans un transat ; lequel nous glisserons dans un endroit réfrigéré pendant à minima deux heures, le temps qu’elles fusionnent en gelée. Il parait que la cryothérapie est bonne pour la peau et la récupération musculaire !
Dans la marmite, versons les 200g de purée mis de côté que nous chaufferons doucement quelques secondes, puis coupons le feu avant de relâcher les 5 dernières feuilles de gélatine impatientes, avec les 20g de sucre restants. Petit tour de louche magique saupoudré d’incantation du cuisinier « cuis-cuis-cuis-mé-pa-tro-si-non-tu-sé-ras-ro-ti ! ». Le chaudron soupire de bonheur !
La magie fait son œuvre ; et dès que le grand tourbillon a englouti tout le monde : parfumons d’un petit verre d’eau-de-vie de poire. Et puis, de mon côté, hop ! un pour bibi ! …et ‘pi un autre aussi !!
Bon ! Déposons la purée dans un petit cul-de-poule et mettons-le de côté ; et rangeons la bouteille avant de finir en baba !
Dans le plus grand cul-de-poule, asticotons la crème pour qu’elle nous fasse son numéro : une vraie danseuse, elle saute d’une pointe à l’autre en montant, tournoie, puis monte encore dans un tourbillon de blancheur ; c’est féérique. Mais personnellement, j’ai l’habitude de l’arrêter avant qu’elle n’atteigne mon plafond : elle danse joliment bien la coquine ; mais pour ce qui est du ménage…c’est pour bibi !
Comme le disait ma mamie diablotine : « celui qui a la chance de cuisiner, a celle de tout nettoyer 😉». Disons que j’ai pas mal de chance, alors !
Prenons la danseuse et accompagnons la danser avec notre purée de fraise mise de côté quelques minutes plus haut. En avant pour la valse !
Accompagnons le mouvement ample de la spatule avec l’incantation du cuisinier « cuis-cuis-cuis-mé-pa-tro-si-non-tu-sé-ras-ro-ti ! ». Le mélange s’intimise et soupire de bonheur ! Libérons une quinzaine des fraises isolées pour qu’elles se joignent à la danse.
Laissons quelques minutes les filles en elles ; et Oust ! Il est temps d’habiller notre charlotte ; faisons-lui une beauté, afin qu’elle se rende fièrement au bal des desserts.
Tapissons le moule le cul-de-poule de moyenne taille avec les biscuits de Reims préalablement imbibés de sirop : ils vous en remercieront !
Ensuite, ajoutons en leur centre la moitié de nos valseuses, puis le dôme de gelée de fraises, et enfin, le reste des valseuses : ainsi, il n’y aura pas de jalouse !
Lissons , puis menons ces demoiselles dans un endroit réfrigéré pendant à minima cinq heures, le temps qu’elles ajustent le corset de notre charlotte. Oui oui ! c’est le temps nécessaire pour qu’une damoiselle digne de ce nom se prépare ! Enfin, c’est ce qu’on tend à nous faire croire 😉.
C’est l’heure ! dressons-là au centre d’un plat en argent ; couronnons son chef d’un diadème constitué des dernières fraises gardées prisonnières ; puis, nimbons-la de nos petits nuages de chantilly vanillée.
Et pour la touche finale : nouons le ruban autour de sa taille. La voici prête pour le bal !
N’est-elle pas merveilleuse ? j’en ai une larme à l’œil : ma petite charlotte qui entre dans la salle de son premier bal…sniff…sniff…relevons la tête, soyons fiers d’elle, et applaudissons-la pendant qu’elle fait son entrée. J’entends le héraut annoncer « Damoiselle Charlotte aux fraises de Chantilly !! » ; je cache mes larmes de bonheur derrière le rideau de la cuisine.
Qu’en dites-vous, une simple charlotte peut facilement devenir une recette sympa, n’est-ce pas ? 😉 Or, vous savez ?!? Nous sommes tous le chef de notre cuisine ! « Yesss » comme dirait Charlotte en serrant le poing 😊
Allez ! un troisième et dernier petit secret.
Que vous soyez grand ou petit chef : nous avons tous nos petites marottes et nos peurs intérieures, celles qui peuvent vous bloquer en plein coup de feu ; ou transformer en chamboule-tout notre repas de famille dont nous étions pourtant très fiers du menu ; enfin, avant la catastrophe en cuisine, quelle qu’elle soit.
Moi… ce qui m’angoisse … ce qui me ramène indubitablement à ma réalité : c’est que… c’est que je suis un cul-de-poule ! Non ! ce n’est pas un surnom : je suis vraiment un CUL-DE-POULE, généreux et tout brillant !☹
Mais quel cul-de-poule ! Pas le plus mignon des ustensiles ; non !
LE roi de la cuisine !! croyez-moi sur parole !
Parole de cul-de-poule ! 😉
[1] Précisons qu’aucun animal n’a été maltraité lors de la création de cette nouvelle.
Nouvelle « Pas de bol ! », par S2B.


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